Voici un témoignage éloquent qui montre qu'une prise de conscience n'est pas si simple et que, pour faire partager nos perceptions, il faut parfois les vivre ( ou revivre) par procuration pour les comprendre.
UNE CIRCONCISION
par Rio Cruz
Je n'y avais jamais rien vu de mal jusqu'à ce que j'assiste à la circoncision de mon fils. Le docteur m'assurait que c'était un simple petit bout de peau en trop qui ne servait à rien et que cela ne faisait absolument aucun mal. "Vous voulez qu'il vous ressemble, n'est-ce pas ?" Puisque je n'y avais jamais beaucoup réfléchi et que moi aussi, j'y étais passé à la naissance, je dis : "Certainement, je crois bien. Pourquoi pas ?".
Il ne répondit rien au "Pourquoi pas ?" mais je compris vite. Mon nou-veau-né fut enlevé du sein chaud et nourrissant de sa mère et déposé, nu, sur une froide planche de plastique appelée une circattache. Ses petites jambes et ses bras furent écartés et attachés avec des bandes de velcro. Il protesta immédiate-ment et se mit à pleurer. Le docteur recouvrit le corps frissonnant d'un tissu lé-ger avec un trou au milieu et y fit passer le petit pénis.
Le docteur lava le pénis de mon bébé avec une solution antiseptique. Il prit une paire d'hémostats en acier et, tenant le pénis d'une main, inséra le bout de l'hémostat dans l'ouverture du prépuce et commença à le pousser entre le pré-puce et le gland, déchirant les deux structures pour les séparer. Le prépuce et le gland étaient étroitement confondus par la naturelle membrane balano-prépucielle appelée le synechia, similaire à celle qui attache l'ongle au doigt. C'est, pour partie, la façon qu'a le corps de se protéger contre les bactéries nuisi-bles.
Mon bébé poussait maintenant des cris perçants, sa protestation allant du simple cri à ce qui résonnait comme des hurlements de pure terreur. Son corps était rigide, contorsionné, alors qu'il luttait contre les attaches et la douleur. Si la circattache n'avait pas été vissée, elle et mon enfant se seraient écrasés par terre. Tout mon instinct me disait que cela n'était pas juste, que j'aurais dû protéger mon fils au lieu de consentir à ce spectacle barbare. Mais je suis un homme "ci-vilisé". J'ai été socialisé et instruit à accepter ce que fait le docteur. C'est la bonne chose à faire. Non ?
Le prépuce ne se détachait pas facilement du gland de mon fils. Le doc-teur continua à déchirer la peau avec l'hémostat. Mon fils était pris de secousses, agitant sa tête d'un côté à l'autre, ses poings et ses yeux étaient crispés, la sueur perlait sur son front.
Le docteur réussit finalement à séparer le prépuce du gland, puis il agrippa fermement le prépuce avec un autre hémostat et coupa verticalement la peau avec des ciseaux. La blessure saignait abondamment. Il essaya d'insérer un cône d'acier dans le tissu mais il dut le forcer car l'incision était trop courte. Mon fils cessa de crier. Ses yeux étaient vitreux et révulsés en arrière. Il paraissait dormir mais était en réalité dans un état de choc complet et total.
Le docteur mit une attache métallique autour du prépuce sanguinolent, le cône apparemment placé pour protéger le gland, et il entreprit d'écraser les nerfs, les vaisseaux et les tissus du prépuce avec l'attache. Il prit un couteau et découpa autour de l'attache, laissant tomber le prépuce sur le drap. Mon fils gisait sans mouvement sur la planche, complètement dissocié dans quelque autre monde, plus hospitalier. Le docteur me regarda et cligna de l'œil. Il quitta la pièce. Une infirmière rendit mon fils à sa mère.
Bienvenue en Amérique, petit homme.
Extrait et traduit par Sigismond de "Genital mutilation American style", Fathering magazine, 1998. fathermag.com/health/circ/gmas/