Christian Castagnola, Vice-Président de l’AFU (Association Française d'Urologie) et Responsable du Comité d’Éthique et de Déontologie de l’AFU, a écrit un édito qui se trouve actuellement en une du site officiel de l'AFU :
CitationAfficher plusCirconcision, l’inévitable débat !
La circoncision est une pratique très ancienne, dont la première représentation se trouve en Égypte sur le mastaba d’Ankhmahor à Saqquarra, datant de la VIe dynastie, environ 2000 ans avant notre ère. Elle a été pratiquée essentiellement pour des raisons rituelles, religieuses ou hygiénistes. De nos jours, la plupart des circoncisions rituelles sont réalisées dans les communautés juive et musulmane.
En France, en 2008, il y a eu 87 500 circoncisions dénombrées dans les établissements de soin. 14% de la population masculine est circoncise, ce qui place notre pays parmi les états Européens où l’on pratique le plus cette intervention.
En Juin 2012, le Tribunal de Cologne déclarait la circoncision illégale et plus récemment, l’Assemblée du Conseil de l’Europe dans sa résolution du premier octobre 2013 assimile la circoncision à une violation des droits des enfants. Elle invite les Etats-membres à définir clairement les conditions médicales, sanitaires et autres à respecter, s’agissant des pratiques aujourd’hui largement répandues dans certaines communautés religieuses, telle que la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons et elle engage aussi à adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un garçon soit en âge d’être consulté.
En France, la circoncision rituelle sans être clairement autorisée n’est pas interdite et le Conseil d’Etat en 2004 a estimé « que la circoncision rituelle constitue une pratique religieuse, dépourvue de tout fondement légal, mais néanmoins admise », elle n’est alors pas prise en charge par la sécurité sociale. La décision du Conseil de l’Europe a suscité une vague de contestation de la part des autorités religieuses juives et musulmanes. S’il est logique qu’une opposition religieuse se fasse entendre, l‘on peut être surpris par les arguments avancés dans le domaine médical et notamment le fait que la circoncision soit « bonne pour la santé », voire recommandée par les autorités médicales. Faut-il rappeler que la circoncision n’est pas un geste anodin et que lorsqu‘elle est pratiquée dans un établissement de soin, le taux de complication est de 0,4 à 2 %.
En raison principalement de l’absence de bénéfice médical et du risque de complications de cette chirurgie, des problèmes éthiques soulevés par la circoncision et en particulier de l’absence de consentement de l’enfant, aucune société savante ne recommande la circoncision systématique en prophylaxie. La British Medical Association, la Société Canadienne de Pédiatrie, le Royal Australian College of Physicians, le Royal Dutch Medical Association se sont prononcés contre la circoncision prophylactique. Seule l’American Academy of Paediatrics en Août 2012 statue que « les avantages de la circoncision des nouveaux nés l’emportent sur les risques de la procédure. Mais que ces bénéfices ne sont pas assez importants pour recommander la circoncision en routine de tous les nouveaux nés mâles. Elle laisse la décision aux parents et recommande une prise en charge par les assurances afin de faciliter l’accès de cette chirurgie aux familles qui le désirent.» Cette décision a été largement critiquée par la communauté scientifique.
Dans notre pays, de manière assez surprenante, le débat sur la circoncision ne rencontre que peu d’écho. Alors que le mouvement intactiviste se développe, que certains religieux proposent de repousser la circoncision à la majorité du garçon (mouvement Brit Shalom…), que la laïcité est au cœur du débat politique, comment pourrions-nous échapper à cette réflexion sociétale ! A l’heure de la rationalisation des soins, des recommandations de bonne pratique, de la pertinence des indications, du bénéfice-risque, de l’évaluation et de la gestion du risque, la circoncision rituelle est l’irruption dans notre consultation du sacré, voire du mystique. Et, devant la demande d’une famille, elle laisse l’urologue dans une position inconfortable vis à vis de sa prise en charge.
En dehors de la religion et des pathologies du prépuce, la circoncision a-t-elle un sens ?
Il est urgent que notre société savante se penche sur l’étude de cette chirurgie sur le plan médical de la même façon que nous évaluons l’ensemble de notre activité. Nous serions ainsi mieux à même de nourrir ce débat.
Source, site de l'AFU : http://www.urofrance.org/accueil.html
Bravo